Soif
A. Nothomb a fait parler Jésus à la première personne dans son dernier roman. Elle considère comme le héros du roman de Knut Hamsun que la soif est accès à l'être et que le "fils de Dieu" n'y a pas échappé. Une fois de plus, les dialogues sont concis, précis, mordants et efficaces.
Mais elle a une vision du Christianisme hétérodoxe que je suis prêt à partager aujourd'hui. Pour elle Jésus a failli dans sa mission et a donné des injonctions paradoxales quasi impossibles à assumer dans la vie concrète ?
Lui même était une sorte d'idéaliste qui s'est rendu compte de la catastrophe seulement au dernier moment. C'est alors que prend sens et un relief original sa dernière et ultime parole retranscrite ainsi: "pardonnez vous comme je vous ai pardonné".
En effet il a du se pardonner d'abord à lui même (montrant ainsi l'exemple) en voyant très loin à l'avance la catastrophe que sa doctrine allait donner (en engendrant le fanatisme et la cohorte d'enthousiastes et d'illuminés faisant confiance uniquement à leurs sensations subjectives), tout en étant pourvoyeur d'un petit groupe de saints et d'élus par le truchement de "l'Eglise intérieure" qui vont le suivre.
Voilà une vision éminemment singulière qui contraste avec l'optimiste du dieu sensé être présent et veiller sur nous tout le temps. Moi il me semble qu'il brille surtout par son absence. En effet, le monde étant le "Tout autre" de Dieu (au moment de la création) est quelque part son contraire et "vide" de lui encore aujourd'hui de façon générale.
Il n'y a donc que dans une vision personnelle que tout prend sens, même et surtout pour Jésus. Le "sacrifice" n'a servi à rien et n'a pas pu sauver l'humanité en général (concept qui n'existe pas en dehors des individus et âmes qui la consituent). Pour autant, la relation d'amour éternelle unifiant le père et le fils confluant dans l'Esprit existe bien et subsite essentiellement, au delà d'une mission brillant plus par son échec que ses réussites en demi teinte.
Mais comme Goethe l'a montré dans sa théorie des couleurs, l'Obscur et le Clair constituent à part égale la couleur comme acte des Ténèbres et de la Lumière. La vie de Jésus n'en finit pas de dire son dernier mot car elle est fondée sur une impossibilité foncière: faire coïncider l'amitié parfaite avec le monde sub lunaire imparfait.